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05 juin 2009

Les «Etats-Unis d’Europe»(B.Guetta)

.../...C’est en observant le système fédéral américain que Victor Hugo avait conçu le rêve des «Etats-Unis d’Europe» et, en disant que ce rêve était l’objectif ultime du processus d’unification européenne, Ségolène Royal vient de dire comment redonner une clarté à une entreprise devenue obscure aux Européens. Ces trois mots, même les plus déterminés des partisans de l’unité de l’Europe n’osaient plus les employer. Par crainte de paraître utopistes, ils disaient «Europe politique» ou «Fédération d’Etats-nations». Etats-Unis d’Europe, on ne peut pas, pensaient-ils, car ce serait rompre avec la Grande-Bretagne, effaroucher les Polonais, susciter de nouvelles querelles bien plus violentes encore que celle du traité constitutionnel. C’est vrai. Les Etats-Unis d’Europe restent un tel chiffon rouge pour tant de gens dans tant de pays qu’à l’agiter, on ferait tanguer le navire européen mais que vaut-il mieux ?

Que le débat s’ouvre et que ses termes se clarifient, ou qu’on en reste à cet entre-deux si pernicieux où l’Union européenne hésite entre être et ne pas être ? Vaut-il mieux le souffle d’une bataille politique ou le désintérêt que suscite aujourd’hui une union qui a, déjà, tant des attributs d’un Etat fédéral mais n’en a ni les politiques ni le gouvernement communs ? La réponse est dans la question. L’Union ne pourra pas éternellement rester au milieu du gué et, parce qu’elle est parlante, la formulation de Victor Hugo aurait l’avantage de faire voir et préciser les deux projets qui s’opposent depuis plus d’un demi-siècle, depuis le premier des traités européens. Les uns acceptent - comment la refuser ? - l’idée de l’unité mais strictement limitée à la création d’une union commerciale et monétaire n’empiétant pas sur les prérogatives des Etats. Les autres veulent un Etat commun, un Etat européen, soit avec un Premier ministre procédant d’une majorité parlementaire, soit avec un président élu au suffrage universel mais, dans l’un ou l’autre cas, un exécutif désigné par le suffrage universel paneuropéen.../...

Rêvons, un instant. Imaginons que les partisans des Etats-Unis d’Europe sortent du bois et expliquent les institutions européennes en disant que le Conseil européen, l’assemblée des chefs d’Etat et de gouvernements, est la Chambre des Etats, ce qu’est le Sénat à Washington ; que le Parlement est ce qu’est la Chambre des représentants, celle de l’Union ; qu’il est logique, comme dans tout système fédéral, qu’il y ait «codécision» entre ces deux chambres mais que l’exécutif de l’Union, la Commission, ne doit pas procéder des Etats mais de la majorité parlementaire désignée par l’électorat paneuropéen. C’est ce que prévoit, d’ailleurs, le traité de Lisbonne et, dès lors, l’enjeu des élections européennes deviendrait clair. Il s’agirait de désigner, par ce vote, le président de la Commission qui, fort d’un mandat populaire, deviendrait le Premier ministre de l’Union, de droite ou de gauche suivant les résultats de ce scrutin. Ce serait alors aux électeurs de choisir, programme libéral contre programme social, modèle anglo-saxon ou modèle européen, toute puissance du marché ou arbitrage d’un Etat entre le capital et le travail.

L’Union ne serait plus un Ovni, menaçant car mystérieux, mais un instrument politique nécessaire - celui de l’affirmation des nations européennes et d’une puissance publique de taille continentale, à même de peser sur un marché mondialisé.

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