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15 juin 2009

Le rapt de la social-démocratie

La palette est large. Elle s'étire du simple repli à la méchante claque : légère érosion enregistrée aux élections européennes par le Parti démocrate (PD) italien, recul maîtrisé pour le PSOE de José Luis Zapatero, mais violente débâcle pour le Parti travailliste britannique, la social-démocratie autrichienne, danoise et surtout hongroise qui s'est vue délestée de la moitié de son électorat. L'historien Marc Lazar note qu'avec « 16 défaites incontestables, le socialisme européen a été frappé au coeur ». Le SPD allemand qui a recueilli 20 % des voix dans son pays, enregistre son plus mauvais score depuis la Seconde Guerre mondiale tandis qu'il faut remonter à 1918 pour trouver un résultat aussi piteux pour le Labour de Gordon Brown.

Quelques arguments ont été avancés pour tenter d'analyser un phénomène qui, s'il s'est accéléré le 7 juin, a démarré dès 1989, apogée de la représentation de la gauche européenne au Parlement de Strasbourg : le taux d'abstention, record, a tenu éloigné des bureaux de vote les jeunes et les catégories populaires, traditionnellement les plus favorables à la gauche ; le Vieux Continent, qui porte bien son nom, voit sa population vieillir, et comme le rappelle le politologue Roland Cayrol, « plus on avance en âge et plus on vote à droite » ; enfin, dans la plupart des pays européens, la droite s'est présentée le plus souvent unie quand la gauche est presque toujours dispersée comme en France et/ou divisée, même sous un sigle commun comme en Italie.

Pourquoi les électeurs européens, presque tous touchés par la crise financière historique qui secoue la planète depuis des mois, n'ont-ils pas saisi l'occasion de ce scrutin pour sanctionner les Partis conservateurs et libéraux, principaux artisans de la dérive financière des années 1980 ? Pourquoi n'ont-ils pas reporté leurs voix sur les partis de centre gauche, pourfendeurs traditionnels du capitalisme et de ses dérives et porteur d'un projet social, protecteur et réformiste ? Car c'est tout le contraire qui s'est produit.

La principale réponse à ce rendez-vous manqué avec la social-démocratie européenne réside dans la stratégie des partis de droite depuis le début de la crise. Les gouvernements conservateurs ont régulé, sont intervenus massivement dans l'économie, ont fait un large usage de la dépense publique, ont activé les politiques de protection sociale.

Bref, la droite a endossé les habits de l'Etat providence et fait main basse sur les bonnes vieilles recettes de la social-démocratie. « Le succès de la droite s'explique par son pragmatisme. Elle tape dans toutes les boîtes à outils, la sienne mais aussi celle de la gauche sans le moindre état d'âme. En plus, elle offre la sécurité et des repères identitaires. C'est cet alliage de l'ordre et du mouvement qui est gagnant, car il rassure », explique Pascal Perrineau, directeur du centre de recherches politiques de Sciences po.

Difficile dès lors pour les partis sociaux-démocrates de stigmatiser la droite libérale et ses méthodes antisociales sauf à tenir un discours décalé et peu crédible. Or c'est ce qu'elle a fait durant la campagne et au-delà. Si les valeurs de la gauche ne sont pas démodées - il suffit de jeter un coup d'oeil de l'autre côté de l'Atlantique -, c'est du côté des solutions qu'il lui faut progresser. En inventant, par exemple, de nouveaux types de partage de la richesse, mieux adaptés à la société à la fois ouverte et individualiste du XXIe siècle. Et en piochant sans vergogne dans l'arsenal de la droite les recettes éprouvées sans craindre d'injurier le sacro-saint catéchisme socialiste.

Les Echos

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