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23 octobre 2009

Douche froide

Nous avions critiqué cette élection toute faite. Aujourd'hui, si comme le prétend Frédéric Lefèvre, nous, «les commentateurs» de la vie politique, sommes la nouvelle opposition, nous devrions dire «victoire, les Sarkozy ont cédé, ils ont reculé». Mais il ne s'agit pas de cela du tout. Jean Sarkozy n'a pas reculé: il a compris et il a gagné. Ses mots d'hier étaient assez forts. Bien sûr, le média training perçait sous un discours pro, policé, presque formaté, mais les mots prononcés étaient les bons. C'était assez troublant parce que le débit et les intonations étaient celles de son père à cette nuance près qu'il n'avait pas la certitude d'avoir raison, le propos péremptoire et dominateur de Nicolas Sarkozy. Jean Sarkozy n'a pas dit, comme un vieux briscard de la politique l'aurait fait, « je renonce parce que je suis une victime de la désinformation ». Il a prononcé le mot frédéric-lefèvriste «désinformation» mais ses mots forts à lui étaient «j'ai écouté, j'ai entendu et j'ai appris».

Il y a plusieurs façons de renoncer en politique. La façon habituelle, celle qui ne tient compte que des rapports de force et qui dit «je suis victime d'une cabale, je renonce». Ou il y a la façon, disons plus moderne, qui dit «j'ai compris, j'ai appris, je renonce». On attend d'un jeune homme politique qu'il nous dise qu'il a appris. S'il s'était entêté, il aurait traîné ce boulet de pistonné pendant des années. Son renoncement, et la façon dont il s'est exprimé, le libère. Jean Sarkozy ne ressemblait pas jeudi sur France 2 à l'archétype du jeune loup de la politique des Hauts-de-Seine, il dépareillait au sein du clan Balkany qui donne l'impression d'être propriétaire du département le plus riche de France.

Ce renoncement spectaculaire en forme de contre-pied de dernière minute est aussi une drôle de douche froide pour tous ceux qui, dans la majorité, au gouvernement, ont soutenu le fiston du patron sans l'ombre d'un doute. Sans l'ombre d'un doute affiché! Parce qu'en réalité, la plupart des ministres et autres partons de l'UMP ne faisaient qu'appliquer, en bons petits soldats, la consigne élyséenne de défense sans faille. Ils étaient conscients de la part de ridicule qu'ils devaient endosser mais c'était le prix à payer pour éviter la disgrâce. C'était une sorte de concours de langue de bois que l'on pourrait qualifier d'investissement. Il s'agit de ce payer une future proximité avec le Président. Celui qui défendrait le petit avec le plus de zèle se rapprocherait du père tout puissant. Tant pis pour la contradiction flagrante entre l'idéologie du mérite et de la responsabilité affichée par le sarkozysme officiel et ce cas patent de favoritisme.

Demi-tooooour droite! Maintenant ils vont recevoir de l'Elysée leurs nouveaux éléments de langages (ces documents qui contiennent un argumentaire mis au point au château et qu'il faudra répéter mot pour mot)...Ils diront quelque chose comme «je salue une sage décision». Pourquoi aucun d'eux n'avait osé dire l'évidence avant: « la sage décision » c'est de ne pas briguer ce poste, laissé vacant par le maire de Meudon sur ordre récompensé de l'Elysée. Ils ont défendu Jean Sarkozy en pensant qu'il s'agissait de Nicolas Sarkozy. Ils ont pensé qu'il ne pourrait pas renoncer parce que Nicolas Sarkozy n'aurait pas renoncé. Pour eux, renoncer c'est forcement céder. Pour eux, et ils ont montré à cette occasion qu'ils étaient caporalisés au-delà du raisonnable, il était tout simplement impossible d'imaginer que ce puisse être dans ce cas-là, non pas céder mais comprendre.

Ces courtisans voyaient pourtant bien que cette histoire faisait rire ou stupéfiait la presse du monde entier. 200 journalistes dont la moitié venue de l'étranger avaient prévu de couvrir l'élection-nomination à Nanterre, comme on couvre une bizarrerie exotique dans une république bananière. Jean Sarkozy vient de mettre fin cette mascarade. Il l'a fait assez dignement. Mais il vient aussi de souligner outrageusement un phénomène de cour tristement classique dans notre République au pouvoir centralisé. C'est la fin d'une polémique, mais c'est peut-être le début d'une carrière politique.

Thomas Legrand

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