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22 mai 2009

Parlement européen: des alliances politiques surprenantes

Le sénateur Jean-Luc Mélenchon, ex-socialiste et fondateur du « Front de gauche », martèle sur toutes les ondes que socialistes et conservateurs, c’est blanc bonnet et bonnet blanc : "le PSE et la droite européenne n'ont pas tellement envie de discuter de leur exploit au parlement européen, par exemple sur la directive électricité qu'ils ont voté ensemble. Comme ils ont d'ailleurs voté ensemble 97% des décisions qui sont prises au PE. C'est quand même incroyable : droite et gauche se tirent la bourre en France, mais dès qu'ils arrivent là bas (à Bruxelles, NDLR), c'est fini, ils s'arrangent entre eux", a-t-il ainsi déclaré sur France 3 le 11 mai. Un chiffre de 97 % qui a également été cité par Olivier Besancenot, le leader du NPA, hier sur France 2.

Mélenchon et Besancenot ont été prendre leurs renseignements sur un site eurosceptique tenu par des proches de Philippe de Villiers, « L’observatoire de l’Europe ». Ce site s’appuie sur une étude (mais n’y renvoie pas directement) d’un chercheur en sciences politiques suédois, un certain Jan Johansson, qui a analysé les 535 votes finaux (et non amendement par amendement) par appel nominal intervenu en 2008.../...

Ce n’est pas la première fois que la droite et la gauche radicale échange ainsi leurs arguments : durant la campagne référendaire de 2005, le fameux « plombier polonais » a été inventé par le vicomte avant de faire la fortune du « non de gauche ».
L’argument de la complicité « objective » entre la gauche et la droite « ne tient pas compte des conditions d’élaboration de la loi européenne », comme le dit Pervenche Berès, présidente socialiste de la commission des affaires économiques et monétaires (et noniste…) : Mélenchon, Besancenot et les Villiéristes pourraient aussi dénoncer le fait que des gouvernements de droite, de centre et de gauche travaillent ensemble au sein du Conseil des ministres de l’Union et du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement et élaborent des compromis pour construire l’Europe. Par nature, l’Union ne fonctionne pas « front contre front » : Union d’États, elle doit parvenir à des décisions dans lesquelles chacun se retrouve.../...
Or, pour obliger le Conseil des ministres à tenir compte des amendements à un projet de directive ou de règlement, il faut que le Parlement réunisse une majorité absolue de députés, soit 393 voix. Durant la législature 2004-2009, le principal groupe politique, le PPE (conservateurs) n’avait que 288 membres, le second, le PSE, 216 et les libéraux de l’ADLE (où siège le Modem), 99. Il faut donc négocier entre groupes politiques pour atteindre le chiffre magique de 393 : « Il y a 120 partis politiques représentés au Parlement, venant de 27 pas, parlant 23 langues et utilisant 3 alphabets différents », s’amuse Gérard Onesta, vice-président Vert du Parlement. Le compromis ainsi trouvé aura d’ailleurs de fortes chances d’être accepté par un Conseil des ministres lui-même composé de gouvernements de droite et de gauche et qui doit voter le texte à la majorité qualifiée.../...
 De même, le vote des amendements est loin d’être pertinent : « il y a une bonne partie des textes que nous votons qui ne posent strictement aucun problème. Ce qui est important, ce sont les votes de différenciation politique et ceux-là ne concernent qu’une petite partie des projets de directives », précise Onesta. Comme le constate Pervenche Berès, sur ces votes, la « majorité naturelle se fait entre le PPE et l’ADLE ».

Un site infiniment plus sérieux que « l’observatoire de l’Europe », votewatch.eu, mis au point par des chercheurs de la London School of economics et de l’Université libre de Bruxelles, montre que les majorités (amendement par amendement) sont autrement plus complexes que ne le disent Mélenchon et Philippe de Villiers. Ainsi, dans 13,22 % des cas, la majorité a réuni le PPE, le PSE, l’ADLE, les souverainistes de l’UEN, les Verts et les…communistes de la GUE. La seconde « coalition gagnante » (dans 12,47 % des cas) a réuni les mêmes plus les Villiéristes d’Indépendance et démocratie (ID). Le troisième type de « coalition gagnante » (7,76 % des cas) réunit le PPE, le PSE, les libéraux de l’ADLE, l’UEN et…ID. Dans plus de 46 % des cas, les Villiéristes font partie de ces coalitions et dans 52 % des cas, les communistes… Le PSE, lui, pointe à plus de 81 % des cas. Le PPE n’est exclu d’une coalition gagnante que dans 5,37 % des votes (majorité PSE, ADLE, Verts et communistes).

Le PPE et le PSE ne votent au final ensemble que dans 69,70 % des cas (mais seulement  56 % dans les affaires sociales et 52,5 % dans le domaine économique). Les Villiéristes votent avec les socialistes dans 40 % des cas alors que les communistes votent avec le PPE dans 42 % des cas et avec les Villiéristes dans 40,90 % des cas… Donc l’argument du « qui vote avec qui » peut être retourné comme un gant…

J.Quatremer

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