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26 juin 2009

Conseils de lecture pour bergers en estive

L'été est déjà là -quel début en fanfare! - et vous hésitez encore à adopter le Livre qui vous donnera une tenue, un rang, une contenance face à votre troupeau on ne peut plus littéraire, que vous menez paître du côté des trois couronnes ou de St Engrâce. Il serait de mauvais ton, accordant à ces bêtes une herbe grasse de premier choix, de leur lire Marc Levy ou Christine Angot : cela pourrait leur gâter le poil ou qui sait, affecter leur transit, sans compter que ces maigres mots de plaine ne sauront sans doute supporter les sommets.

Faut-il pour autant offrir à ces malheureuses brebis (sous le prétexte spécieux que l'on veut toujours  le meilleur pour ses enfants) le spectacle d'un pasteur absorbé dans un essai docte et complexe qui n'est en fait que pessimiste ? Ah le malheur a vite fait de se la jouer profond – quand le bonheur reste désespérément frivole! Heureusement, j'ai pour vous, la petite perle que « les pleureuses de la modernité, les pleurnicheurs du concept » n'ont pas manqué d'assassiner : « Kafka Cola » d'Alessandro Mercuri (Leo Scheer, 2008).

Le premier chapitre est une variation habile et baroque sur le scandale provoqué par la phrase de Le Lay : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible ». Critique enjoué et cinglant de notre « hyperconsommation, ultralibéralisme, aliénation deluxe », Mercuri l'insaisissable, aux pieds ailés, ose tous les raccourcis, tous les rapprochements, toutes les relectures. Ainsi, de la victoire de Jesse Owen au nez et à la barbe du Führer en 1936, Mercuri y voit outre la victoire de l'athlète noir contredisant toutes les théories aryennes, celle... de ses chaussures Adidas et d'en conclure : Adidas, 1 - Svastika, 0.

Maître subtil en montage, en relecture parodique, on ne sait si Mercuri pond là un essai, un recueil d'aphorismes, un pamphlet, un manuel de détournement. Le style, dixit la quatrième de couv', est « anarcho-psychédélique », comprenne qui pourra. En tout cas, il y a là quelques jolies formules : « L'éternel retour sur investissement », « le christianisme est une marque déposée de croix », « Vous n'avez pas fini d'être heureux » ou quelques questions faussement naïves : « Qu'est-ce qu'un point.com ? Les 3 lettres du suffixe com parlent-elles de commerce ou de communication ? » ou encore celle-ci : « Et si la pornographie était à l'imaginaire du XXIe siècle ce que la prostitution était à celui du XIXe ? »

Le deuxième chapitre, dans le droit chemin du premier qui critiquait un monde laissé en pâture aux communicants, s'intéresse précisément à la com du Vatican. Et d'en conclure que la chrétienté vit « sur ses acquis spirituels et artistiques ». Signe des temps, son saint-siège médiatique, la chapelle Sixtine, a été restauré grâce aux fonds... d'une chaîne de TV japonaise.

Horreur, le chapitre suivant -celui qui a heurté les critiques parisiens-, se moque de l'exception culturelle française et de son étendard favori, de son fleuron 100% tricolore, à savoir le cinéma français. Quoi ? s'étrangle alors la bien pensance de Télérama et Cie (dont Mercuri rappelle au passage l'héritage chrétien, mais chrétien de gauche hein monsieur parce que quand même), cet auteur serait-il contre nous ? Et l'auteur en question, sous forme de sous-titre, de traduire les non-dits, les tics dudit fleuron : délectable à souhait, savoureusement potache.

Le reste il va de soi, est à goûter par vous-mêmes, chères bergères itinérantes, chers pasteurs bucoliques ; on ne peut tout de même pas brouter l'herbe fraîche sous le pied de la brebis, non ?

(roidite - pays basque info)

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